Améliorer le traitement du cancer colorectal pour prévenir les métastases

Le cancer colorectal (CRC) est l’une des principales causes de mortalité liée au cancer dans le monde, et la chimiothérapie reste le principal traitement pour les CRC de stade II et III. La chimiothérapie est une approche problématique, car tout en éliminant les cellules cancéreuses, elle attaque aussi des tissus sains tels que l’intestin ou le foie. On ne sait pas encore comment la chimiothérapie modifie la physiologie et la vulnérabilité de ces tissus. Des travaux récents ont démontré que la chimiothérapie provoque une libération de métabolites bactériens issus de l’intestin. Ces métabolites ont la capacité de prévenir les métastases du foie en stoppant la croissance métastatique et en reprogrammant la niche immunovasculaire du foie.

Dans le cadre de ce projet TANDEM, la Prof. Petrova et le Dr. Koessler collaboreront pour étudier le potentiel thérapeutique et diagnostique de ces découvertes pour les patients atteints d’un cancer colorectal. L’objectif des chercheurs est d’analyser les métabolites libérés en réponse à la chimiothérapie en identifiant la niche métastatique du foie et en examinant l’effet des métabolites sur des organoïdes (versions miniatures du foie cultivées in vitro) dérivés de patients.

Plus précisément, ils visent à :

  1. Etablir un profile des métabolites libérés en réponse à la chimiothérapie, tant chez des patients atteints de CRC que dans des modèles animaux.
  2. Caractériser les modifications au niveau de la niche métastatique du foie en réponse à la chimiothérapie et aux composants du microbiote intestinal. 
  3. Analyser la manière dont agissent les métabolites libérés sur la croissance d’organoïdes dérivés de patients et sur la formation de métastases in vivo.

Ce projet fournira des informations concernant la manière dont la réponse des organes à la chimiothérapie est susceptible d’influer directement sur l’issue de la maladie. L’objectif translationnel du projet est de remédier au manque actuel de biomarqueurs pour la prédiction de la sensibilité de la chimiothérapie en clinique. Finalement, ce projet pourrait améliorer à la fois les outils diagnostiques et les options thérapeutiques. 

Evaluation de la réponse spécifique aux néoantigènes des cellules T dans la carcinose pleurale traitée par chimiothérapie par aérosol hyperthermique intra-thoracique pressurisé de cisplatine (PITHAC)

La carcinose pleurale se développe en dehors des poumons, dans la cavité située entre les poumons et la paroi thoracique et contenant un liquide lubrifiant, ainsi que le long du revêtement pleural, une membrane entourant les poumons et revêtant la cavité thoracique. Un cancer de la cavité pleurale est généralement le résultat d’une propagation à partir d’une autre partie du corps, le plus souvent à partir d’un cancer du poumon. Mais il peut également avoir son origine dans le sein, les ovaires, le pancréas, le côlon ou d’autres sites. Les tumeurs pleurales étant presque toujours métastatiques et difficiles à opérer, le pronostic est mauvais. Un patient sur quatre est encore en vie cinq ans après le diagnostic. L’incidence est heureusement faible : cette maladie touche un patient sur 2’000 personnes atteintes d’un cancer.

Une nouvelle approche thérapeutique pour la prise en charge de la carcinose pleurale, nommée PITHAC (pressurized intrapleural hyperthermic aerosol chemotherapy), associe l’administration localisée de médicaments sous pression à une stimulation immunitaire induite par la chaleur. On suppose que PITHAC déclenche une réponse immunitaire spécifique à la tumeur, mais l’efficacité de cette technique dans le cadre de la carcinose pleurale n’a été que peu étudiée.

Ce projet associe un clinicien spécialisé dans le traitement de la carcinose pleurale et une chercheuse experte en analyses biochimiques des protéines. L’objectif est de déterminer si la technique PITHAC induit de nouveaux antigènes à la surface des cellules tumorales, et si celles-ci, à leur tour, induisent une réponse spécifique aux néoantigènes dans le système immunitaire, notamment au niveau des lymphocytes T. Cette étude vise à caractériser le paysage antigénique dans les tumeurs de patients atteints d’une carcinose pleurale, et permettra de déterminer si le mode d’action de PITHAC inclut l’induction d’une réponse protectrice des lymphocytes T, spécifique aux néoantigènes. Si tel est le cas, il serait raisonnable de combiner la technique PITHAC avec les immunothérapies, pour les rendre plus efficaces.

Les chercheurs appliqueront cette analyse aux patients participant à un essai clinique de phase I qui a débuté en 2023 au CHUV (financé par un subside Chercher-Trouver d’un montant de CHF 750’000). Cet essai évaluera la faisabilité et la toxicité de PITHAC chez des patients atteint d’une carcinose pleurale. Des échantillons de sang et de liquide pleural seront prélevés (après l’intervention chirurgicale et périodiquement pendant un mois). Le subside TANDEM servira à financer l’analyse de ces échantillons. L’étude longitudinale de découverte d’antigènes, comparant les patients avant et après la thérapie, constitue l’aspect innovant de ce projet. Cette étude pourra potentiellement faciliter la combinaison de PITHAC avec des inhibiteurs de blocage de point de contrôle immunitaire, rehaussant ainsi l’impact translationnel du projet. 

Immunothérapies pour le traitement du mésothéliome pleural malin (cancer du poumon)

Les cancers primaires de la plèvre tels que le mésothéliome pleural malin, un cancer du poumon associé à une exposition à l’amiante, sont des cancers se développant dans la cavité thoracique. Le mésothéliome est un cancer dévastateur dont les besoins médicaux ne sont pas satisfaits. Sa réponse hétérogène au blocage de points de contrôle immunitaires est le facteur limitant une amélioration des traitements. 

Le projet dirigé par les Drs Peng, Ochsenbein et Schmid vise à découvrir de nouvelles cibles immunitaires et à élucider les mécanismes de résistance à l’immunothérapie chez les patients atteints d’un mésothéliome. Les travaux prennent appui sur l’état actuel de la compréhension du traitement du mésothéliome. En déterminant les variables corrélant avec la réponse des patients, cette étude ouvrira la voie à de futures thérapies innovantes.

L’équipe de recherche a accès à une vaste cohorte de 109 patients atteints d’un mésothéliome pleural malin. Celle-ci les aidera à identifier les déterminants moléculaires et cellulaires qui corrèlent avec une réponse au traitement déclenchant la réponse immunitaire du patient contre la tumeur. Les scientifiques se serviront de technologies moléculaires de pointe pour visualiser cellule par cellule les profils d’expression des gènes dans la tumeur et les tissus environnants.

Les chercheurs espèrent identifier des signatures permettant de distinguer les tumeurs sensibles au traitement de celles qui ne le sont pas. Ils compareront ensuite la signature dans les différentes sections du mésothéliome pleural malin, afin de déterminer les effets des traitements sur le comportement cellulaire de la tumeur. Pour ce faire, ils examineront non seulement la tumeur mais aussi la réponse des cellules immunitaires au traitement. Pour confirmer ce qu’ils auront appris à partir des échantillons de patients, ils feront appel à un modèle murin de la maladie et administreront divers inhibiteurs à des souris porteuses d’un mésothéliome humain. Enfin, ils combineront des thérapies à base d’inhibiteurs de checkpoint immunitaire avec des inhibiteurs de croissance efficaces, d’abord dans des modèles murins, puis dans des patients.

L’objectif est d’améliorer le traitement de cette maladie dévastatrice.  

Amélioration de l’efficacité de l’immunothérapie pour la leucémie myéloïde aiguë

La leucémie myéloïde aiguë (LMA) est un cancer qui se développe dans les cellules hématopoïétiques de la moelle et qui, en absence de traitement, conduit à la mort rapide du patient. Autrefois, le traitement consistait en une chimiothérapie suivie d’une transplantation de cellules souches hématopoïétiques. Plus récemment, l’immunothérapie a également été testée. Ce traitement consiste en une programmation des lymphocytes T cytotoxiques de manière à ce qu’ils attaquent les cellules cancéreuses. Malheureusement, malgré des traitements intensifs et agressifs, une grande partie des patients subissent une rechute. En outre, l’immunothérapie a tendance à attaquer aussi bien les cellules saines que les cellules leucémiques. De nouveaux traitements et des approches innovantes pour la LMA constituent donc un besoin clinique urgent.

L’identification de cibles spécifiques à la LMA pour le ciblage par les cellules CAR-T tueuses de cellules cancéreuses est incontournable. Toutefois, cette quête est jusqu’à présent restée infructueuse. Les chercheurs dirigeant ce projet tentent donc une nouvelle approche qui consiste à inverser le concept thérapeutique. Leur objectif principal est désormais l’éradication complète de la maladie, y compris les cellules souches leucémiques, tout en protégeant les cellules souches hématopoïétiques contre l’attaque immunothérapeutique. Cette stratégie devrait permettre de prévenir les rechutes et d’améliorer l’issue de la maladie.

L’équipe TANDEM, composée des Prof. Jeker et Holbro, mettra à l’essai un « mécanisme de masquage » destiné à protéger les cellules souches hématopoïétiques saines contre les substances actives utilisées dans l’élimination des cellules cancéreuses. Pour y parvenir, les chercheurs doivent identifier une protéine de surface cellulaire (appelée marqueur cellulaire) présente à la fois sur les cellules saines et sur les cellules cancéreuses. Ils modifieront génétiquement ce marqueur à la surface des cellules souches hématopoïétiques du patient. Pour régénérer la moelle osseuse, les cellules ainsi protégées seront ensuite réintroduites au patient après le traitement de la LMA, à condition que la protéine modifiée n’empêche pas les cellules de fonctionner normalement. L’immunothérapie dirigée contre la LMA ne reconnaîtra le marquer que sur les cellules cancéreuses, les cellules saines étant protégées par le marqueur modifié. Cette stratégie pourrait faciliter la guérison, prévenir les rechutes et améliorer l’efficacité du traitement de la LMA.

Une immunothérapie pour le traitement du sarcome

Les sarcomes sont un groupe rare de cancers se développant dans les os et les tissus conjonctifs tels que la graisse ou les muscles. Dans la plupart des cas, l’origine du sarcome n’est pas claire. Cependant, des antécédents familiaux ou une exposition à des produits chimiques ou à des radiations peuvent accroître le risque de développer un sarcome. Il en existe de nombreux types, dont beaucoup sont particulièrement fréquents chez les enfants. Les symptômes dépendent du type de tumeur et de son emplacement. 

Les traitements actuels sont principalement la chirurgie, la radiothérapie et la chimiothérapie. Leur succès est cependant limité, particulièrement dans les cas avancés. Les thérapies ciblées ont donné quelques résultats prometteurs. Toutefois, les réponses au traitement sont malheureusement souvent de courte durée. En outre, l’immunothérapie, et tout particulièrement la thérapie par lymphocytes T à récepteurs antigéniques chimériques (CAR), est difficile à réaliser en raison du microenvironnement tumoral suppressif. 

Les Dres Digklia et Irving examineront les limites des traitements actuels moyennant une approche multidisciplinaire. Pour ce faire, elles devront approfondir leur compréhension des caractéristiques de cette maladie. Ces nouvelles connaissances leur permettront ensuite de concevoir et de produire de nouvelles cellules CAR-T adaptées au sarcome et de tester des stratégies visant à accroître leur efficacité.

L’équipe composée d’une clinicienne et d’une chercheuse en recherche fondamentale poursuit les objectifs suivants :

  1. Caractérisation de biopsies de sarcomes issues de patients traités au Centre des sarcomes du CHUV. Le but est de comprendre la source moléculaire de la résistance aux inhibiteurs de la tyrosine kinase (TKI) et les obstacles à la thérapie par cellules CAR-T.
  2. Développement et production de nouvelles cellules CAR-T à partir de biopsies et de lignées cellulaires. Ces cellules cibleront des antigènes spécifiques (B7H3, GD2 et EphA2), dans le but d’induire une réactivité contre le tissu sarcomateux.
  3. Optimisation des thérapies par cellules CAR-T en vue d’une application clinique, en les combinant avec des TKI ou d’autres médicaments permettant d’améliorer l’efficacité des cellules CAR-T.

L’objectif global du projet est de développer de nouveaux traitements efficaces pour les sarcomes et de tester des cellules CAR-T de nouvelle génération, conçues sur la base de leurs résultats in vitro et in situ. Les chercheuses développeront de nouveaux récepteurs pour cellules CAR-T moyennant le génie génétique et appliqueront les résultats de leurs analyses à la conception de nouveaux outils de stratification pour les tumeurs. Outre la production de cellules CAR-T, elles analyseront également les tissus sains entourant la tumeur, dans le but d’améliorer l’accès des cellules CAR-T aux tissus cancéreux.

Les cibles CAR-T proposées sont bien établies et ont été utilisées dans le traitement des neuroblastomes. Dans le présent projet, les scientifiques se concentrent toutefois sur une tumeur rare des tissus conjonctifs, au pronostic défavorable. Le projet est innovant, répond à des besoins non satisfaits et est de caractère hautement collaboratif et translationnel, susceptible d’améliorer la vie de patients souffrant d’un sarcome incurable.

Caractérisation des fonctions anti-tumorales des cellules immunitaires dans le cancer de la vessie

Le cancer de la vessie est un problème de santé majeur, responsable d’environ1’400 décès par an, rien qu’en Suisse. En comparaison du cancer de la prostate, pour lequel le taux de survie à 5 ans a considérablement augmenté, les chiffres liés au cancer de la vessie stagnent. Les cancers de la vessie sont classifiés en fonction du degré d’invasion de la tumeur au moment du diagnostic initial. Les récidives sont fréquentes, même chez les patients initialement classés comme étant à faible risque. Pour les patients à risque moyen ou élevé, la situation est encore plus difficile, car leurs tumeurs progressent fréquemment vers un état d’invasion musculaire nécessitant une cystectomie (ablation de la vessie). L’un des principaux défis consiste à empêcher qu’un cancer de la vessie initialement non invasif n’évolue vers une maladie musculaire invasive, au pronostic beaucoup plus sombre.    

A ce jour, l’intervention la plus courante est la thérapie intravésicale. Cette procédure consiste à introduire dans la vessie un agent immunostimulant (tel que l’inoculum de Bacillus Calmette-Guerin (BCG)) pour prévenir, ou tout au moins retarder, la récurrence et/ou la croissance de la tumeur. Malheureusement, 20 à 30% des patients sont forcés d’interrompre ce traitement en raison d’effets secondaires graves. En outre, il a été démontré que même traités, 20% des patients subissent une récidive précoce, et que seuls 45% d’entre eux restent en bonne santé pendant cinq ans. Il est donc urgent de trouver de nouveaux outils pronostiques permettant d’identifier les patients à risque d’échec du traitement BCG et en mesure de prédire la récurrence et la progression de la tumeur. Des outils de prédiction plus robustes pourraient améliorer la qualité de vie des patients.

Ce projet TANDEM vise à étudier dans ce contexte le potentiel des lymphocytes T Vẟ2 (un sous-type des lymphocytes T). Ces cellules sont un sous-groupe de lymphocytes T infiltrant la tumeur. Des travaux récents ont démontré qu’elles ont la capacité de contrôler la croissance tumorale chez la souris. Il reste à démontrer que ces résultats s’appliquent également à l’homme, d’où la nécessité de mener des recherches plus approfondies sur des échantillons humains. Plus précisément, ce projet révélera le paysage transcriptomique des lymphocytes T Vẟ2 à l’échelle de la cellule unique. L’espoir est d’identifier de nouveaux biomarqueurs et de permettre le développement de nouveaux traitements pour le cancer de la vessie. 

De nouveaux biomarqueurs pourraient prédire la réponse thérapeutique dans le cancer du sein

Le cancer du sein (CS) reste l’une des principales causes de décès chez les femmes, et 80% des décès dus à ce cancer sont causés par une maladie métastatique. La majorité de ces décès surviennent parmi les patientes atteintes d’un cancer à récepteurs hormonaux positifs (HR+). Ce type de cancer représente 80% de tous les CS diagnostiqués. Dans ces tumeurs, l’hormone œstrogène stimule la croissance tumorale par l’intermédiaire de son récepteur. La thérapie anti-hormonale, aussi appelée thérapie endocrinienne, qui consiste à bloquer l’activité de signalisation du récepteur œstrogène, représente le traitement standard pour ces tumeurs. Malheureusement, la résistance à ce traitement augmente avec le temps, et presque toutes les femmes atteintes d’un CS HR+ deviennent réfractaires à la thérapie endocrinienne. Il est donc indispensable de développer de nouveaux traitements pour ces patientes.

Le présent projet TANDEM répond à ce besoin urgent en se fixant pour objectif d’identifier de nouveaux biomarqueurs prédictifs qui serviront à guider les thérapies et à sélectionner les patientes pour les immunothérapies contre le CS HR+. L’immunothérapie représente un changement de paradigme dans les protocoles de traitement du CS. Cependant, jusqu’à présent, elle n’a été que peu efficace contre la maladie récurrente et métastatique.

Les approches adoptées jusqu’à présent pour identifier des biomarqueurs utiles à l’immunothérapie se concentrent sur la tumeur. Personne n’a cherché à vérifier s’il existe des marqueurs prometteurs pour le traitement par inhibiteur de point de contrôle immunitaire dans les tissus avoisinants. Ce projet étudiera le potentiel de l’identification de marqueurs immunologiques dans les ganglions lymphatiques drainant la tumeur (GLDT) qui contribuent à orchestrer la réponse immunitaire anti-tumorale adaptive. C’est dans ces GLDT que le système immunitaire rencontre pour la première fois les antigènes tumoraux. En bref, ce projet repose sur l’hypothèse que les biomarqueurs présents dans les GLDT aux premiers stades de la maladie sont plus efficaces que les marqueurs issus des tumeurs pour programmer les cellules immunitaires réactives et pour prédire leur efficacité. 

Le but ultime du projet est de trouver, dans les ganglions lymphatiques situés à proximité des tumeurs du sein HR+, des biomarqueurs capables d’indiquer la sensibilité ou la résistance à l’immunothérapie.