Traitement amélioré du sarcome grâce à un inhibiteur de tyrosine kinase administré en combinaison avec une thérapie à base de lymphocytes T CAR de nouvelle génération

Projet de la Dre Antonia Digklia, Centre hospitalier universitaire vaudois, et de la Dre Melita Irving, Centre hospitalier universitaire vaudois.

Cet investissement a pour but d’aider l’équipe de recherche à produire les données et informations de base nécessaires à l’étude de l’utilisation de l’immunothérapie CAR-T de nouvelle génération dans le traitement du sarcome. La Dre Irving, chercheuse fondamentale spécialisée dans la production de lymphocytes T CAR, et la Dre Digklia, clinicienne travaillant au Centre des sarcomes du CHUV, contribuent à parts égales à ce projet. Dans des essais préliminaires de phase I/II, l’équipe a obtenu des résultats prometteurs suggérant qu’un inhibiteur de la tyrosine kinase VEGFR (pazopanib) administré en combinaison avec l’inhibiteur de point de contrôle anti-PD-L1 durvalumab pourrait enrayer le développement de sarcomes des tissus mous. Les chercheuses souhaitent combiner un inhibiteur de la tyrosine kinase (ITK) avec des thérapies innovantes à base de lymphocytes T CAR pour le traitement de sarcomes. Il s’agit d’un objectif ambitieux, mais il est raisonnable de tester tant les cellules T CAR que les thérapies à base d’inhibiteurs de points de contrôle. L’équipe de recherche espère se servir de l’EphA2, un marqueur de surface cellulaire spécifiquement surexprimé dans les sarcomes, comme cible pour de nouveaux lymphocytes T CAR. Il importe de comparer les biopsies prélevées chez les patients avant et après le traitement à l’inhibiteur de tyrosine kinase, afin d’être en mesure d’identifier les cibles les plus spécifiques pour la production des lymphocytes T CAR. La plupart des données préliminaires sont issues d’études faites avec des cellules de cancers de la prostate. Les fonds accordés ont donc également pour but de permettre à l’équipe de recherche de confirmer l’expression d’EphA2 dans les sarcomes avant et après le traitement ITK, et ainsi donner du poids à l’idée d’utiliser ce marqueur comme cible pour les lymphocytes T CAR.

Enquête auprès de patient·e·s atteint∙e∙s de cancer sur leurs expériences de soins en Suisse

Ce « fonds affecté » a été attribué à Madame Chantal Arditi en juillet 2022 pour une durée de 2 ans (Unisanté).

Recueillir le point de vue et les expériences de soins des patient·e·s est essentiel pour évaluer la qualité des services de santé et pour déterminer dans quelle mesure le système de santé répond aux besoins des patient·e·s. Ceci est particulièrement important dans les soins aux personnes atteintes de cancer, car elles ont de multiples besoins de soutien, souvent non satisfaits par le système de santé actuel. En effet, en plus des effets de la maladie et des traitements sur la santé, le cancer peut avoir des conséquences psycho-sociales importantes pour les personnes touchées et leurs proches, y compris des conséquences financières.  

En 2018, nous avons mené l’étude SCAPE-1 (Swiss Cancer Patient Experiences), une première enquête auprès de personnes traitées pour l’un des six cancers les plus fréquents dans quatre hôpitaux romands qui portait sur leurs expériences de soins oncologiques. En 2021, nous avons reconduit l’enquête, appelée SCAPE-2, qui a été étendue aux personnes atteintes de tout type de cancer et soignées dans les même quatre hôpitaux romands ainsi que dans quatre hôpitaux alémaniques. Le questionnaire comprend entre autres des questions sur le soutien émotionnel, l’information et la communication, la prise de décision concernant le traitement, et les soins hospitaliers et ambulatoires. Une section concernant l’impact du Covid-19 sur les soins et les personnes atteintes de cancer a été ajoutée au questionnaire.

Les résultats de l’étude donneront un aperçu de la manière dont les patient·e·s vivent les soins oncologiques et si ces expériences varient selon la langue et le centre de cancer. Les résultats permettront aussi de guider le développement et la mise en œuvre d’interventions locales et nationales visant à améliorer les soins oncologiques, en identifiant les aspects moins bien perçus par les patient·e·s.

L’étude SCAPE-2 a été financée initialement par le Recherche suisse contre le cancer. Le soutien supplémentaire de l’ISREC permettra d’analyser en profondeur les données collectées dans le cadre de l’étude SCAPE-2 et de les valoriser par la publication d’articles scientifiques ainsi que par des présentations lors de conférences et séminaires.

Personnalisation du traitement de patients atteints d’un cancer et détection de vulnérabilités des cancers

Ce « fonds affecté » a été attribué à la Prof. Chantal Pauli (Universität Spital Zürich) en juin 2022 pour une durée de 2 ans.

Les protéines RAS figurent parmi les éléments les plus importants de la voie de signalisation MAPK, une cascade de signalisation impliquée dans la croissance et la survie des cellules. Les gènes RAS modifiés (HRAS, KRAS et NRAS) représentent la famille de gènes la plus fréquemment mutée dans les cancers humains, KRAS étant responsable du développement d’environ 35% des adénocarcinomes pulmonaires, jusqu’à 50% des cancers colorectaux et même jusqu’à 95% des cancers du pancréas. Malgré d’importants efforts de recherche, l’inhibition efficace de KRAS muté demeure un obstacle majeur dans la lutte contre le cancer. Le développement récent de médicaments spécifiques à la mutation KRASG12C a permis de caractériser en partie ce variant particulier, mais le succès clinique de ces substances reste très limité, et de premières mutations conduisant à des résistances ont déjà été signalées. Vu que les efforts visant à inhiber KRAS n’ont pas porté de fruits, les travaux de recherche se concentrent maintenant sur l’inhibition de MEK1/2, un régulateur situé en aval de la voie de signalisation MAPK. Cependant, les mécanismes de résistance vont en augmentant, et la notion d’invincibilité des tumeurs présentant une mutation au niveau de KRAS persiste. Il est donc impératif de développer de nouvelles stratégies pour identifier les vulnérabilités des cancers. 

A l’heure de la médecine de précision, tant les cliniciens que les patients dépendent de l’identification d’options de traitement additionnelles et du développement de stratégies permettant de confirmer l’efficacité thérapeutique. Le groupe de recherche en pathologie fonctionnelle des tumeurs, dirigé par la Prof. Dr. med. Chantal Pauli et situé dans le département de pathologie et de pathologie moléculaire de l’Hôpital universitaire de Zurich, a développé une plateforme intégrant les caractéristiques génétiques de tumeurs individuelles de patients et les tests fonctionnels d’organoïdes tumoraux dérivés de patients. L’objectif global est d’identifier des stratégies thérapeutiques efficaces pour chaque patient, en procédant à un criblage de médicaments anticancéreux. Cette approche a conduit à l’identification d’une nouvelle combinaison synergique de médicaments, dont un inhibiteur de MEK et un analogue de la purine. Chose intéressante, cette synergie n’a pas pu être détectée dans tous les organoïdes tumoraux, mais était limitée à ceux présentant une mutation au niveau de la voie de signalisation MAPK.

Ce projet examinera en outre le potentiel thérapeutique de cette combinaison médicamenteuse dans une cohorte plus importante d’organoïdes tumoraux dérivés de patients, et aidera à comprendre les caractéristiques génétiques liées à la vulnérabilité observée dans certaines tumeurs. Vu l’apparition progressive de mécanismes de résistance contre KRASG12C, nous prévoyons de tester si notre combinaison est en mesure de contourner les mécanismes de résistance et d’influer sur la viabilité des tumeurs. Enfin, nous chercherons d’une part à identifier les patients pouvant bénéficier de cette combinaison synergique de médicaments, et d’autre part à élucider les mécanismes de sensibilité ou résistance des patients aux médicaments. 

Ce « fonds affecté » provenant d’une donation de la Fondation faîtière d’utilité publique Empiris a été attribué à la Prof. Caroline Arber (CHUV) en avril 2022 pour une durée de 1 an.

Projet

Ciblage de nouveaux réseaux moléculaires sous-tendant la récurrence et la progression du cancer de la vessie

Ce « fonds affecté » a été attribué à la Prof. Camilla Jandus (Université de Genève ) et au Prof. Grégory Verdeil (Université de Lausanne) en avril 2022 pour une durée de 2 ans.

Au niveau mondial, le cancer de la vessie (CV) est un problème de santé publique considérable, tant en termes de prévalence et de mortalité que de gestion clinique et de coûts. Pour la plupart des patients, à savoir environ 70%, la maladie est détectée à la surface de la vessie, à l’état de CV non invasif sur le plan musculaire (NMIBC). Depuis de nombreuses années, ce cancer est traité par instillation de BCG et par résection de la tumeur. Ce traitement est efficace, mais la plupart des patients subissent une récurrence de la tumeur et doivent se soumettre à plusieurs cycles de traitement au fil des ans. La maladie peut également évoluer vers un CV invasif sur le plan musculaire (MIBC, 30%). Le traitement consiste alors en une chimiothérapie et une ablation de la vessie (cystectomie). Malgré ce traitement radical, la survie est faible et la moitié des patients ne survivent pas au-delà de cinq ans. Lorsque la maladie est métastatique, la survie ne dépasse pas 15 mois. Ces dernières années, l’immense succès de l’immunothérapie a également permis d’améliorer le traitement du MIBC en restaurant la capacité du système immunitaire à combattre la maladie. 20 à 30% des patients traités avec des anticorps bloquant la voie de signalisation PD-1/PD-L1 répondent au traitement, mais le taux de réussite est plus faible que pour d’autres types de cancer. Afin d’être en mesure d’améliorer la stratégie thérapeutique et de trouver de nouveaux traitements immunothérapeutiques, il est donc indispensable de comprendre pourquoi de nombreux patients ne répondent pas au traitement.

Nous projetons donc de combiner l’expertise de nos deux groupes de recherche, dans le but de déchiffrer les mécanismes moléculaires activant la récurrence et la progression du cancer. Nous effectuerons des études avec des échantillons de patients ainsi qu’avec un modèle murin génétiquement modifié (MMGM) du CV récapitulant les stades de la progression du CV humain. En vue d’essais cliniques de phase 1 et 2 visant à améliorer la survie des patients, nous investiguerons et validerons également dans ce MMGM de nouveaux axes thérapeutiques et des biomarqueurs.

Des études génétiques préliminaires effectuées sur des tissus de tumeurs primaires et récurrentes issus d’une cohorte de 12 patients atteints d’un CV ont conduit à la découverte d’une signature génétique associée à la progression et la récurrence du CV. Dans notre étude, nous concentrerons notre attention sur deux voies de signalisation appartenant à cette signature et susceptibles d’être ciblées pour améliorer le contrôle et l’élimination de la tumeur. Nous avons pu démontrer, dans une cohorte plus importante de 36 patients, que ces deux voies de signalisation sont plus prononcées dans les tumeurs récurrentes que celles non récurrentes. Cette même signature a également été détectée dans le stade progressif de notre MMGM, ce qui confirme la pertinence clinique de ce modèle. Sur la base de ces résultats, nous formulons l’hypothèse de l’existence d’une interaction entre les cellules immunitaires et tumorales du CV, impliquant les gènes étudiés ainsi que leur régulation, et pouvant servir de cible thérapeutique. 

Objectif 1

Par conséquent, le premier objectif de ce projet est de valider dans des échantillons de CV primaire issus de patients ainsi que dans notre modèle murin (coupes de tumeurs, tissus tumoral frais) la signature génétique de progression et récurrence au niveau protéinique. Cette étape nous permettra d’identifier les types de cellules (cellules tumorales, stromales, immunitaires (myéloïdes et lymphoïdes)) exprimant les gènes candidats.

Objectif 2

Notre deuxième objectif est d’inactiver nos gènes cibles ou leurs ligands dans chaque type de cellule. Nous observerons in vitro le comportement de cellules immunitaires génétiquement modifiées humaines et murines (phénotype, sécrétion de cytokines, stade de différenciation, plasticité) ainsi que celui de cellules tumorales de CV (survie, invasion, migration, formation de colonies, transition épithélio-mésenchymale). Nous évaluerons la survie des animaux, la progression in vivo et la composition du micro-environnement de tumeurs établies par instillation intravésicale de cellules de CV de type sauvage ou génétiquement modifiées. Nous étudierons également la dynamique de la croissance et la propagation des tumeurs dans les souris de type sauvage et génétiquement modifiées, ainsi que la survie des animaux et la composition du micro-environnement tumoral.

Objectif 3

Enfin, nous effectuerons des études précliniques avec des anticorps bloquants, de petites molécules ou des miARN mimétiques dans notre modèle murin de CV, afin de déterminer comment ces traitements influencent la progression tumorale et la réponse immunitaire contre la tumeur. Dans l’ensemble, nous espérons identifier de nouvelles voies de signalisation susceptibles d’être ciblées, afin d’augmenter nos connaissances à ce sujet et d’améliorer les stratégies de traitement pour les patients atteints d’un cancer de la vessie récurrent et avancé.

 

 

Comment l’hématopoïèse clonale alimente-t-elle le lymphome ?

Ce « fonds affecté » a été attribué au Prof. Davide Rossi (Università della Svizzera italiana – Institute of Oncology Research IOR) en mars 2022 pour une durée de 3 ans.

Les patients atteints d’un lymphome ne répondant pas au traitement ont un mauvais pronostic. Chaque année, plus de 1100 patients en Suisse meurent d’une leucémie ou d’un lymphome. Un lymphome peut se développer lorsque l’ADN contenu dans un lymphocyte est modifié de telle manière que cette cellule ne répond plus aux signaux censés la contrôler. Pour se développer et se propager, le lymphome détourne les cellules inflammatoires normales afin d’obtenir protection et soins, tout en trompant ces cellules en se soustrayant à leur attaque. L’inflammation peut être liée à l’âge et favoriser des phénomènes tels que l’hématopoïèse clonale, ou être entretenue par des infections chroniques de la cellule lymphomateuse elle-même.

Les nouvelles stratégies de traitement du lymphome reposent sur une combinaison d’approches ciblant à la fois les cellules tumorales et l’environnement hôte de soutien, à savoir i) la réparation du système opérationnel propre aux cellules du lymphome moyennant de petites molécules qui identifient précisément et attaquent les facteurs ayant conduits à la défaillance du système ; et ii) le rétablissement de la fonction normale des cellules inflammatoires, donc la transformation des cellules alimentant le lymphome en cellules prédatrices du lymphome. Ces expériences nous permettront également de comprendre comment l’inflammation liée à l’âge facilite le développement du lymphome. Nous visons à déterminer comment le vieillissement des fonctions immunitaires normales (conçues pour provoquer l’inflammation) module la tumeur et le système immunitaire environnant. La résolution à l’échelle de la cellule unique nous permet désormais de suivre le vieillissement des cellules du système immunitaire (localement et globalement) et de le mettre en relation avec le comportement des cellules cancéreuses.  Ces connaissances nous serviront à développer des stratégies pour impliquer le compartiment immunitaire sain dans la lutte contre la tumeur ; stratégies particulièrement intéressantes compte tenu du fait qu’avec l’avènement de nombreuses approches immunothérapeutiques, l’accent est de plus en plus mis sur l’efficacité des médicaments par rapport aux réponses immunitaires ou à l’état (épuisement) de la réponse antitumorale.  

Tumeur cérébrale

Ce « fonds affecté » a été attribué au Prof. Mark Rubin (Université de Berne) en février 2022 pour une durée de 2 ans.

Projet

Ce « fonds affecté en recherche en oncologie pédiatrique » a été attribué à la Dre Eva Brack en décembre 2020 pour une durée de 2 ans (Département d’oncologie pédiatrique de l’Inselspital, Berne).

Projet

Expérience des patients et des prestataires de soins dans le cadre de thérapies cellulaires par transfert adoptif : Une étude de co-conception basée sur l’expérience

Ce « fonds affecté en recherche en soins infirmiers » a été attribué à la Prof. Dr rer. med. Manuela Eicher en janvier 2021 (Institut universitaire de formation et de recherche en soins – IUFRS).

L’immunothérapie cellulaire adoptive à base de lymphocytes T infiltrant la tumeur (TIL) ou de lymphocytes T portant des récepteurs antigéniques chimériques (CAR-T) représente, dans le domaine des thérapies oncologiques, une nouvelle stratégie en plein essor. Elle vise à améliorer la réponse anti-tumorale des patients moyennant un transfert de cellules immunitaires anti-tumorales spécifiques. Le fait que cette thérapie nécessite l’expertise de nombreux spécialistes différents augmente encore la complexité des soins, tant du point de vue des patients que des professionnels de la santé. Jusqu’à présent, l’expérience des patients et leurs besoins spécifiques liés à ces nouvelles thérapies particulièrement exigeantes n’ont pas été examinés.

Les soins centrés sur la personne (person-centered care, PCC) sont un des six principaux moteurs de la qualité des soins, outre la sécurité, l’efficacité, l’efficience, et les soins équitables prodigués en temps opportun. Les approches PCC reposent sur l’établissement d’un partenariat entre le personnel et le patient, sur une amélioration des techniques de communication et sur l’encouragement des patients à participer activement aux interactions entre le patient et le personnel soignant. 

La co-conception basée sur l’expérience (experience-based co-design, EBCD) est un processus en plusieurs étapes qui fait appel à des méthodes de recherche qualitative pour faire participer les professionnels de la santé et les patients à la co-conception de services de soins. L’EBCD rend possible un niveau élevé d’engagement des patients et du personnel soignant, permet des entretiens sur des sujets difficiles dans un environnement favorable, conduit à l’identification de possibilités d’amélioration, et apporte des modifications significatives à la manière dont sont fournis les services, avec un impact sur l’expérience des patients.

L’objectif principal de ce projet est d’étudier et d’améliorer les soins prodigués dans le cadre des thérapies cellulaires TIL et CAR-T. À cette fin, nous examinerons les expériences et les perspectives des patients et des professionnels de la santé tout au long de la trajectoire du traitement. Nos objectifs spécifiques sont les suivants :

Objectif 1

Identifier, décrire et comparer, dans le cadre d’essais cliniques de phase I, les expériences de différentes cohortes de patients, ainsi que des patients et du personnel soignant tout au long de la trajectoire des soins oncologiques.

Objectif 2

Comprendre et comparer, dans le cadre d’essais cliniques de phase I, les expériences de différentes cohortes de patients, ainsi que les expériences des patients et du personnel soignant aux points de contact clés avant, pendant et après le traitement.

Objectif 3

Établir un consensus parmi les patients et les professionnels de la santé concernant les priorités et les solutions permettant d’améliorer la prestation de soins oncologiques tout au long de la trajectoire, tout particulièrement en rapport avec la transition vers les soins ambulatoires.

Explorer le rôle des neutrophiles dans la métastase cérébrale

Ce « fonds affecté » a été attribué à la Prof. Johanna Joyce (Université de Lausanne – département d’oncologie) en janvier 2021.

Le développement de métastases reste malheureusement la principale cause de décès chez les patients atteints de cancer. Parmi tous les cancers métastatiques, ceux qui envahissent le cerveau représentent un défi thérapeutique particulièrement difficile à relever. En effet, les métastases cérébrales (BrM, brain metastasis) sont très souvent dues à des mélanomes, des cancers du poumon et du sein. Bien que des progrès considérables aient été réalisés dans le traitement de ces cancers au niveau de leur site primaire, on observe néanmoins une forte augmentation de la mortalité chez les patients qui développent des BrM. Cela est dû en partie à nos connaissances limitées sur le micro-environnement (TME, tumor microenvironnement) des tumeurs BrM, avec pour conséquence directe une déficience en matière d’options de traitements cliniques.

Alors que l’importance des cellules immunitaires et stromales du TME dans la création d’un environnement favorable à la croissance des tumeurs est bien établie, on en sait beaucoup moins sur la complexité de ces interactions pendant les métastases. Cela est particulièrement le cas pour les métastases cérébrales, car les propriétés uniques du cerveau créent un environnement très différent de celui des autres organes. En analysant de manière exhaustive le TME dans divers échantillons de patients atteints de tumeurs cérébrales, nous avons récemment identifié les neutrophiles, la population de globules blancs la plus nombreuse chez l’homme, comme étant parmi les cellules immunitaires les plus abondantes infiltrant spécifiquement la BrM.

Le but de ce projet, porté par la Prof. Johanna Joyce (Département d’oncologie UNIL, Ludwig Institute for Cancer Research Lausanne), est de découvrir comment les neutrophiles peuvent contribuer fonctionnellement à la colonisation et à la croissance métastatique des cellules cancéreuses dans le cerveau. Il représente la première étude approfondie des phénotypes et des fonctions des neutrophiles chez les patients atteints de BrM et sur des modèles précliniques.

La stratégie expérimentale rigoureuse et intégrée élaborée par le laboratoire Joyce, comprenant à la fois des modèles de souris et des analyses de tissus humains, fournira la première vision globale sur la façon dont les neutrophiles peuvent réguler la progression métastatique vers le cerveau. Les neutrophiles ont généralement été associés à un mauvais pronostic chez les patients atteints d’un cancer, mais on a également constaté qu’ils remplissent des fonctions opposées dans d’autres types de métastases, en particulier dans les métastases du sein aux poumons, en fonction du contexte. Cependant, le rôle des neutrophiles dans le contexte de la BrM reste pratiquement inexploré. Il est donc urgent de procéder à une analyse rigoureuse de leurs fonctions dans la BrM. La combinaison de l’analyse fonctionnelle des neutrophiles dans la BrM humaine et de l’utilisation de modèles de BrM murins extrêmement avancés représente une stratégie globale pour explorer l’éducation des neutrophiles par les cellules cancéreuses colonisant le cerveau. Ces données permettront de découvrir comment les neutrophiles de la périphérie et du TME du cerveau évoluent avec les cancers métastatiques et contribuent à leur progression. Quel que soit le type de neutrophiles que nous découvrons dans la BrM, qu’ils soient porteurs ou suppresseurs de tumeurs, nous devons répondre à cette question essentielle.

Ce projet améliorera considérablement notre compréhension des fonctions des neutrophiles dans les métastases et pourrait avoir à l’avenir des implications importantes pour la conception de thérapies ciblant le TME de la BrM. La dimension immunitaire et micro-environnementale de ce projet aborde en outre un sujet qui fait actuellement l’objet d’une attention intense, car différentes immunothérapies progressent rapidement vers des traitements de première ligne pour de nombreux types de cancer. Or, les patients atteints de BrM ont été largement exclus des essais cliniques, ce qui a entraîné un manque critique de connaissances sur la manière dont les nouvelles modalités de traitement pourraient spécifiquement affecter ou bénéficier aux métastases intracrâniennes. Ainsi, l’avancée des connaissances que nous espérons réaliser grâce à ce projet financé par la Fondation ISREC créera le lien primordial dont a besoin la recherche fondamentale sur l’immunité des tumeurs BrM pour répondre à des questions cliniques cruciales.