Biologie du cancer multisystèmes – Prof. Holger Auner (CHUV)

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Biologie du cancer multisystèmes : ciblage de l’interaction entre protéostase intra- et extracellulaire

Prof. Holger Auner

Toute cellule humaine doit assembler – et plus tard dégrader – les bonnes protéines au bon moment et dans les bonnes quantités. Pour ce faire, elle doit utiliser et recycler des éléments constitutifs tels que les acides aminés, et mettre à disposition de la machinerie moléculaire de l’énergie pour produire et dégrader les protéines. L’orchestration précise de ces processus représente un défi considérable que les cellules doivent maîtriser en continu, un protéome (l’ensemble des protéines) cellulaire correct étant essentiel au bon fonctionnement des cellules et à la santé des tissus et organes dans lesquels elles résident. Par conséquent, un grand nombre de maladies, souvent associées à l’âge, sont liées à une incapacité des cellules à maintenir le bon équilibre de leur protéome.

Généralement, les cellules cancéreuses croissent et se multiplient plus rapidement que les cellules normales. Elles sont considérées comme particulièrement dépendantes des processus régulant le protéome, puisqu’elles doivent être en mesure de maintenir le rythme élevé de renouvellement des protéines. La perturbation de ces mécanismes constitue donc une approche thérapeutique prometteuse. Elle a déjà conduit à de nouveaux traitements pour certains cancers, dont le myélome multiple, qui est une maladie maligne de la moëlle osseuse. Notre équipe cherche à mieux comprendre les stratégies adoptées par différents cancers pour maintenir leur protéome en bon état, et à trouver des moyens pour cibler ces mécanismes à l’aide de nouveaux médicaments. L’une des molécules qui nous intéressent est la GCN2. Elle régule la manière dont les cellules répondent à un épuisement de leur stock d’acides aminés. Nous cherchons à trouver un moyen de désactiver en toute sécurité la GCN2 dans les cellules cancéreuses, de façon à faire défaillir leur protéome et à les tuer, tout en épargnant les tissus sains. Nous savons que cette approche fonctionne de manière satisfaisante sous conditions expérimentales dans certaines cellules cancéreuses, alors qu’elle n’a pas d’effet dans d’autres. L’un des objectifs de notre projet est d’identifier les caractéristiques rendant les cellules cancéreuses dépendantes de la GCN2, ce qui permettrait d’identifier, avant le traitement, les patients susceptibles de répondre à un traitement avec des médicaments ciblant la GCN2. Pour ce faire, nous nous servons de la biologie des systèmes, d’une approche dite multi-omique, dans laquelle différentes technologies sont appliquées à l’étude de plusieurs processus cellulaires en parallèle (par exemple pour comprendre la manière dont change le métabolisme cellulaire lorsque certains gènes sont activement transcrits et traduits en protéines). Comme bien d’autres chercheurs dans le domaine du cancer, nous pensons qu’une approche holistique à la recherche moléculaire recèle un grand potentiel en ce qui concerne l’identification de vulnérabilités des cellules cancéreuses. Pour découvrir et cibler ces talons d’Achille, nous collaborons avec des collègues œuvrant dans le domaine universitaire ainsi que dans l’industrie biotechnologique et pharmaceutique.